Paul Newman vient de nous quitter !Mort à 83 ans dans sa maison de Westport, Paul Newman était beau, il n'y a pas un garçon qui le conteste, et ne parlons pas des filles, ce serait offensant. C'était aussi un grand d'Hollywood. Il reste les images. Forcément. Sur lesquelles s'accrochent les souvenirs. Ainsi fonctionne le cinéma qui n'oublie jamais ceux qui l'ont nourri et les transforme en des fantômes qui viennent hanter les rêves des spectateurs éveillés. C'est un cow-boy au sourire désarmant et glaçant, un joueur de billard et une tête brûlée, un prisonnier avaleur d'oeufs, un arnaqueur sur le retour, un vieil homme marié, un mafieux irlandais. Ils s'appellent Billy the Kid, Eddie Felson, Luke Jackson, Henry Gondorff, Walter Bridge, John Rooney. C'est un seul homme, Paul Newman, mort à 83 ans dans sa maison de Westport, Connecticut, à la suite d'un cancer du poumon.
Bio Express26 janvier 1925 : Naissance à Shaker Heights, Ohio.
1954 : Le Calice d'argent, de Victor Saville. Premier rôle au cinéma après quelques années à la télévision.
1956 : Marqué par la haine, de Robert Wise. Premier grand rôle au cinéma.
1958 : Epouse Joanne Woodward en second mariage.
1968 : Réalise son premier film, Rachel Rachel
1969 : Butch Cassidy et le Kid, de George Roy Hill, avec Robert Redford.
1979 : Finit second aux 24 heures du Mans.
1987 : Oscar du meilleur acteur pour La Couleur de l'argent, de Martin Scorsese.
2002 : Les Sentiers de la perdition, de Sam Mendes. Dernière apparition au cinéma.
Lee Strasberg, mythique professeur de l'Actor's Studio que Paul Newman fréquente assidûment au débuts des années 1950 après avoir abandonné une prometteuse carrière de vendeur d'articles de sport dans la boutique de son père, a dit de lui: "Il aurait pu être un aussi grand acteur que Marlon Brando s'il n'avait pas été aussi beau." Regrettant que les yeux bleus les plus célèbres d'Hollywood enchaînent trop facilement les rôles qui lui tombaient tout cuit dans la besace. C'est une façon de voir. Dont l'ironie cache sans doute une grande admiration pour un type au talent trop facile qui se transforme d'un claquement de doigt en un autre que lui-même. Mais si on peut se permettre d'écorner la pensée strasbergienne, on fera remarquer que Paul Newman a peu interprété les tombeurs de jeunes filles énamourées et davantage un boxeur, un alcoolique, un névrosé ou un enfoiré de salopard de juge dans l'ouest américain vieillissant. L'homme est beau, soit, il n'y a pas un garçon qui le conteste, et ne parlons pas des filles, ce serait offensant, mais il n'a pas eu forcément le beau rôle. Même s'il s'en sortait à chaque fois avec une classe folle.
Marlon Brando a brisé menu les codes du jeu hollywoodien et y a apporté une sorte de liberté anarchique faite de ruptures de tons et de dérapages que lui seul savait contrôler. Si Paul Newman marche sur les traces fraîchement creusées par Brando, il le fait avec un tempérament moins casse-cou. Et profite, comme son pote Robert Redford, de onze ans son cadet, d'un environnement propice à la nouveauté à une époque où les grands studios disparaissent peu à peu, laissant place à une nouvelle génération de réalisateurs et de comédiens qui n'hésitent pas à arpenter le bitume en y insufflant de la réalité là où il n'y avait que de la mythologie. Redford se tourne vers l'écologie et la défense du cinéma indépendant. Paul Newman, lui, endosse, entre deux courses de voitures, les habits d'un businessman en vendant des sauces cuisinées à son nom pour mieux financer sa fondation, Newman's Own, créée en 1982 pour venir en aide aux enfants en difficultés.
Un mot sur Newman réalisateur, alors qu'il en faudrait dix. Et pardon de terminer par une oeuvre que peu ont sans doute vue: L'Affrontement -Harry and son en VO- l'histoire d'un père en conflit avec son fils. Un film sec, dur, émouvant, droit. Paul Newman le tourna cinq ans après la mort par overdose de son fils Scott. Newman le pudique confiait sa douleur au monde. Newman les yeux bleus devenait un grand artiste. Pas uniquement beau, cher Lee Strasberg. Juste grand.
Source : L'Express