- Le Tavernier a écrit:
- Tu peux peut-être aimer car j'en connais qui lui mettent 14/20.
Faudrait vraiment être abruti pour lui mettre une telle note !
BRUISER (2000)Écrit & Réalisé par
George A. RomeroMusique de
Donald RubinsteinAvec
Jason Flemyng, Peter Stormare, Leslie Hope, Nina Garbiras, Andrew Tarbet, Tom Atkins On pourrait penser
George Romero perdu et dénué de talent lorsqu’il n’injecte pas quelques morts-vivants à une œuvre. Or,
Bruiser est là pour nous rappeler tout le contraire. Comme à son habitude,
Romero se sert de son film pour en faire un pamphlet sévère à l’égard de la société de consommation, des media et du capitalisme. Mais pas uniquement. À travers le quotidien dévasté de son héros – admirablement incarné par cette résidence encore en chantier qu’il arpente tel un fantôme, et symbole d’une réussite sociale branlante – et la lente ascension vers la folie et la vengeance de celui-ci,
Romero dépeint un milieu immoral et stressant, obsédé par la recherche de la perfection, où le patronat exploite ses employés jusqu’à leur faire perdre leur identité propre et les transformer en sujets anodins, interchangeables, et doux comme des agneaux (Henry voit son visage remplacé par un masque d’un blanc immaculé). Un monde dans lequel la presse s’extasie devant la Jet-Set et les People, montrant indirectement les Autres comme des gens sans importance, des merdes sur lesquelles on peut marcher sans jamais se salir. Une satire sociale virulente, donc, n’y allant pas avec le dos de la cuillère, et qui partage plus d’un point commun avec un certain
American Psycho (le héros, obnubilé par l’argent et le pouvoir, prenant peu à peu goût aux meurtres).
La critique ne faisant pas tout,
Bruiser révèle aussi de petites faiblesses. Telles que sa seconde partie, parsemée d’incohérences, d’exagérations (le protagoniste échappant aux flics sans problème), versant parfois dans le grand-guignol (sa séquence finale, digne d’un slasher pour ados boutonneux), et, de manière globale, délaissant l’aspect satirique de l’histoire pour se concentrer sur la revanche du héros, déjà moins alléchante et plus convenue.
Toutefois,
Romero sait contrebalancer ces imperfections par une mise en scène irréprochable, tirant profit de mouvements de caméra prodigieux et d’une photographie dirigée d’une main de maître. C’est également dans la prestation de ses comédiens que
Romero trouve réconfort.
Jason Flemyng s’efface magistralement derrière son personnage pour en faire un individu touchant, profondément humain. Une fois de plus,
Peter Stormare campe (avec brio) le rôle de la pire et la plus immorale des enflures – toujours prête à balancer une réplique cinglante à son prochain.
Leslie Hope donne, de son côté, toute la justesse et toute la finesse dont nécessitait son personnage. Enfin, soulignons les très belles partitions de
Donald Rubinstein (bien que le compositeur ait tendance à masquer son travail derrière des chansons rock plutôt moyennes).
Bref, dans un tour de force,
George Romero nous démontre que ses aptitudes de cinéaste ne se réduisent pas à la mise en scène de zombies « intellos ».
Bruiser n’est pas parfait mais remplit honorablement le cahier des charges et bénéficie d’une implacable critique sociale. Une œuvre à reconsidérer à sa juste valeur, en somme !
Note : 14.5/20